"Pipeshow" - Rencontre avec Richard Fauguet et le commissaire Xavier Franceschi @ Art : Concept
Art : Concept
4, passage Sainte Avoye
75003 Paris
Accès par le 8, rue Rambuteau.
PRÉSENTATION
Sur une invitation d'Olivier Antoine, directeur de la galerie art: concept, les Amis rencontrent Richard Fauguet dans son exposition "Pipeshow" en compagnie du commissaire Xavier Franceschi.
Richard Fauguet est heureux de vivre en province, et vient spécialement à Paris pour nous faire cette visite.
"S’il est une chose à laquelle Richard Fauguet nous a habitués, c’est celle de nommer ses expositions en usant et abusant de jeux de mots et d’expressions toutes faites, ce qui, dans un champ de l’art où le sérieux tient largement la côte, tend à déconcerter. Sa nouvelle exposition à la galerie Art : Concept ne déroge pas à la (pseudo) règle et le Pipeshow annoncé nous fait sourire d’emblée avec la promesse d’un spectacle des plus affriolants. Cette entrée en matière aussi désinvolte puisse-t-elle paraître ne doit en réalité rien au hasard. Au jeu de mots asséné sans vergogne, correspond un jeu de formes et d’objets qui depuis toujours est la marque de fabrique de l’artiste. Aux expressions toutes faites, correspondent des objets tout faits, sortes de ready made que l’artiste n’a plus qu’à assembler (évidemment, c’est plus facile à dire qu’à faire), à «enquiller », comme on dit familièrement.
Ainsi, par le passé, il y eut ces bols, assiettes et autres carafes en verre qui une fois assemblés représentèrent, parfois avec un réalisme confondant, divers personnages ou objets. Ou bien ces céramiques « style Vallauris » qui, de la même façon et par simple addition, formèrent diverses créatures à l’expression enjouée. Ou bien encore ces tuyaux de cheminée et autres éléments de fumisterie (on évitera pour le coup le jeu de mots facile) qui mis bout à bout figurèrent diverses scènes sur un mode filaire comme autant de dessins dans l’espace. Côté dessin, justement – l’autre grand registre de l’artiste –, si la liberté semble totale (elle l’est), sa pratique s’élabore régulièrement là-aussi par l’emploi de formes préexistantes, en l’occurrence celles délivrées par des tampons encreurs dont l’artiste possède une collection proprement faramineuse. Bouches, fleurs, yeux, carafes (encore), soleils, formes géométriques, éventails, poissons, abeilles, doigts, chaînes, mains, coquillages, explosions, robes, cactus, lunettes, sandales, étoiles, vis, nœuds papillon,poulets, aubergines… – on en passe et des meilleurs –, d’innombrables motifs sont utilisés ici en toute maîtrise et à bon escient – l’artiste est devenu virtuose d’une technique qu’il s’est créée – pour former d’autres figures des plus loufoques, des plus inconcevables.
À nouveau, l’humour – un brin corrosif, celui-là – opère. Mais on aurait tort de considérer ces travaux sous ce seul angle de l’humour. L’autre grande affaire de l’artiste est le rapport qu’il entretient avec l’art, son histoire, les différents acteurs qui l’ont écrite avant lui. Ce rapport à l’art des autres se manifeste quelque fois de façon explicite – on se souvient par exemple de l’extraordinaire série de silhouettes de quelques-uns des chefs-d’œuvre de la sculpture réalisées en Vénilia qui, tels des fantômes, viennent hanter les salles d’exposition –, mais au-delà de la simple citation, cette relation à l’art est plus fondamentalement à concevoir comme une constante et une nécessité concernant un champ partagé avec d’illustres prédécesseurs qu’il s’agit d’explorer, de redéfinir, de bousculer, voire de renverser.
Dans cette perspective, l’humour, précisément, trouve logiquement sa place : c’est notamment par ce biais que son travail met à mal – en toute bienveillance – toute forme de convention établie. Le Pipeshow le confirme à plus d’un titre : passé le visuel de l’exposition où l’ombre de l’artiste tirant sur sa pipe fait apparaitre une étrange silhouette au mur – un remake allègrement augmenté du célèbre portrait de Rodchenko dont Fauguet fête à sa façon le centenaire – et alors que l’on se prend à rêver d’une petite étude au sujet de la pipe dans l’art au-delà de la seule référence magrittienne, nous tombons sur un dessin proche de la caricature représentant Picasso – une des références absolues pour Fauguet – en matador affublé d’un mammouth/logo de la (encore) célèbre enseigne, mammouth dont la défense est en pleine érection. On sait les polémiques qui entourent ces derniers temps Picasso quant à sa relation aux femmes, revenons-en donc aux pipes : elles trônent au centre de la galerie en véritables vedettes du spectacle annoncé et apparaissent, lascives, en toute décontraction, sur leurs différents piédestaux. Une fois encore, la magie opère et l’artiste, à partir de trois fois rien, avec cette clairvoyance qui n’appartient qu’à lui, parvient à nous livrer des scènes dont l’évidence saute aux yeux. Si, avec ces pipes entrecroisées, nous sommes finalement à nouveau dans un registre de fumisterie, que dire de l’apparition de deux géants du cinéma français qui sont à la manière du Picasso ma(mouth)tador exécutés à larges traits sur papier Albal ? Qu’on ne les attend certainement pas là et que Richard Fauguet, tout à son entreprise de rupture et de déstabilisation – « à un moment donné, il faut que ça vrille » –, nous surprend plus que jamais. Éclairés par une nouvelle série d’opalines colorées – un autre assemblage en toute simplicité, cette fois dans une veine abstraite –, les deux stars scintillent de tous leurs feux pour s’imposer à nos côtés comme d’improbables compagnons de vadrouille de l’extraordinaire Pipeshowfauguetien."
—Xavier Franceschi
Art : Concept
4, passage Sainte Avoye
75003 Paris
Accès par le 8, rue Rambuteau.